jeudi 14 mai 2009

La tragédie des Juifs norvégiens, Tom Segev


"Une thèse de doctorat de l'historien Bjarte Bruland sur le sujet [spoliation et restitution] décrit dans le détail le cas d’une femme qui fut assassinée à Auschwitz avec ses enfants, et dont la restitution des biens fut suspendue au prétexte qu’il était impossible d'établir dans quel ordre ses enfants furent emmenés dans la chambre à gaz et que, par conséquent, il n'était pas clair d’un point de vue juridique de déterminer qui héritait quoi."

Source: traduction libre d'un article de l'historien Tom Segev repris du site du Haaretz (titre original: On Norwegian Jewry)

"Dans l'histoire du peuple juif, les 2000 Juifs norvégiens ne méritent pas plus d'une note de bas de page, mais une exposition dans le musée de la diaspora Beth Hatefutsoth Diaspora à Tel-Aviv présente leur histoire comme un microcosme, comme une fenêtre qui éclaire les caprices du sort qui ont frappé tous les Juifs européens.

Jusqu'en 1851 les Juifs n'étaient pas autorisés à vivre en Norvège, comme le décrétait la deuxième clause de la constitution du pays, qui interdisait également aux Jésuites et aux moines de s’y installer. Une fois l'interdiction abrogée, les Juifs d'Europe de l'Est immigrèrent en Norvège. La plupart d'entre eux voulaient en fait aller à l'Amérique, mais n'avaient pas suffisamment d’argent pour entreprendre le voyage. Avec de grandes difficultés, ils essayèrent de s'assimiler dans la culture locale et de devenir des patriotes norvégiens. On les voit posant pour des photos en uniforme de l'armée norvégienne, l'un avait même fait coudre le drapeau sur la manche du maillot avec lequel il jouait dans l'équipe nationale de football.

Leur histoire, telle qu’elle est présentée dans le musée Hatefutsoth Beth, va d'un cahier de 1920, attestant le fait qu’un garçon nommé David Fein avait fait de grands efforts pour apprendre les lettres de l'alphabet hébraïque, à des affiches antisémites placardées dans diverses villes.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement pro-nazi de Vidkun Quisling spolia les biens de tous les Juifs du pays, et les Allemands expulsèrent près de 800 vers les camps de la mort.

Le catalogue de l'exposition, qui se tient sous les auspices de l'Ambassade royale de Norvège en Israël, précise qu’il y a une dizaine d'années, la Norvège est devenu le premier pays à finaliser le processus de restitution des biens et à verser des dédommagements en guise de compensation pour les pertes et les souffrances endurées pendant l'occupation nazie.

Mais derrière ces formulations diplomatiques se profile un demi-siècle de violences. Comme les Suisses, les Norvégiens eurent recours à toutes sortes de règlements et d’astuces bureaucratiques pour empêcher la restitution des biens de nombreux Juifs.

Une thèse de doctorat de l'historien Bjarte Bruland sur le sujet décrit dans le détail le cas d’une femme qui fut assassinée à Auschwitz avec ses enfants, et dont la restitution des biens fut suspendue au prétexte qu’il était impossible d'établir dans quel ordre ses enfants furent emmenés dans la chambre à gaz et que, par conséquent, il n'était pas clair d’un point de vue juridique de déterminer qui héritait quoi.

Quelques centaines de Juifs vivent actuellement en Norvège. Parmi eux, il y a des Israéliens, membres de kibboutz, qui s’y sont installés quand les femmes volontaires qu’ils avaient rencontrées en Israël retournèrent chez elles."

Exposition: Wergeland's Legacy, Beth Hatefutsoth, the Museum of the Jewish People

Norway: The Courage of a Small Jewish Community; Holocaust Restitution and Anti-Semitism, Interview with Bjarte Bruland and Irene Levin (JCPA)

Pour en savoir plus sur les relations de la Norvège avec Israël et les Juifs, consulter le blog (en anglais): Norway, Israel and the Jews

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